23 janv. 2011

Prescripteurs de Bande Dessinée - Recensement et classification

Suite de la chronique du 19 décembre 2010, qui lançait notre réflexion sur les prescripteurs  de lecture BD. Alors que le sondage de Livre Hedbo identifie clairement les principaux médias d'influence en littérature (télévision puis presse et enfin radio), aucune information concernant la BD ne semble disponible. D'où l'idée de creuser la question auprès de nos websiteurs et de secouer la toile de manière un peu plus approfondie.

Questionnaire Bédérama : Qui sont vos prescripteurs de BD ?

n = 35 répondants
La question à été posée à tous les visiteurs du blog pendant 25 jours. Le taux de participation est peu élevé (35 personnes). Un grand merci aux répondants qui comptent pour moitié parmi nos proches, soit un panel d'amateurs éclairés. De facto, on ne peut que considérer la représentativité du résultat comme faible et estimer que les réponses "Amis" et "Blogs" sont sur-représentées. Ces précautions étant prises, il se dégage néanmoins quelques points intéressants :
  • Chaque répondant a en moyenne 3 prescripteurs.
  • Les prescripteurs potentiels ont été bien identifiés (une seule réponse pour "autres")
  • Le bouche à oreille ressort comme l'élément le plus déterminant pour le choix d'une BD. L'opinion des "amis" se positionne loin devant les autres réponses.
  • Les "auteurs" et les "libraires" complètent la Sainte Trinité de l'amateur égaré. 
  • "Blogs / forums", "presse", "prix des festivals" sont des influenceurs de troisième niveau.  En ajoutant les sites spécialisés aux blogs, internet ressort comme le premier média. Néanmoins, la presse est le média traditionnel le plus en phase avec la BD, une proximité qui sera détaillée plus loin.
  • Les "sites spécialisés BD" apparaissent aussi peu influent que la radio. Les internautes semblent donc préférer trouver des avis sur des blogs personnels plutôt que sur des sites institutionnels.
  • "Editeurs", "bibliothèques" et "télévision" ne sont pas considérés par notre panel comme influençant le choix de BD.



Conseiller de bonnes BD, un bon moyen de se faire des amis ?


Selon notre questionnaire, l'amitié est la meilleure garante d'une lecture plaisante. Peut-on pour autant aller jusqu'à écrire que la qualité d'une amitié se mesure à l'aune des conseils de lecture prodigués ? Le débat est ouvert.
Mais il en est assurément des BD comme des films et des livres : partager et échanger ses coups de coeur ou ses déceptions sont de grands moments de plaisirs. Certains accros vont même jusqu'à tenir des blogs ...


Signal d'amitié ultime : se faire prêter une BD. Geste très rare chez les collectionneurs maniaques à tel point que lorsque Luc m'a prêté, sourire crispé aux lèvres, ses versions originales de Corben, j'ai su qu'entre nous c'était désormais pour la vie.
Dans ce contexte, la  BD numérique présente de nombreux avantages : elle ne  s'abime pas au fond d'un sac, elle peut se récupérer facilement, .... Mais cette convivialité potentielle est légalement impossible car aucune plateforme commerciale (Ave!comics, IZNEO, ...) n'autorise le prêt de fichiers achetés. Un moindre degré de liberté par rapport au papier qui sera je l'espère proposé prochainement ( comme Amazon le fait déjà visiblement). 



La prescription de BD : un véritable travail de professionnel


"Je l'ai pas acheté, j'aime pas Dufaux." ou "Et le dernier Chauzy, il est comment ?" sont des phrases types qui reviennent régulièrement dans nos discussions. Elles illustrent l'influence directe des auteurs dans nos choix de lecture.  Logique : on achète plus volontiers une nouveauté réalisée par "une valeur sûre", question de confiance, de fidélité et d'habitude. Prescripteur de son propre travail, un auteur peut aussi permettre d'élargir notre expérience de lecture en recommandant des BD l'ont marquées ou influencées (interviews, préfaces, parrainage, ...).


Autre incontournable, le libraire qui apparaît comme un phare dans la nuit face à la déferlante continue de parutions. Total respect pour ces  femmes et ces hommes qui doivent aussi bien jongler avec les cartons qu'avec leurs clients. Une source essentielle pour découvrir de nouveaux auteurs. 


Les éditeurs ne sont pas perçus comme prescripteurs directs. Personnellement, je pense qu'ils le sont de fait ou au moins  de manière masquée.
Tout comme avec les auteurs, certaines maisons d'édition "typées" disposent assurément d'un lectorat fidèle (Cornélius, Ego comme X, L'Association en son temps, ...) qui suit les choix éditoriaux des dirigeants. 
Avec Laurent, nous avons ainsi exploré la production des Editions 12 Bis après avoir fortement accroché au prometteur Un long destin de sang. Une exploration "éditeur oriented" qui nous a permis de découvrir les chouettes Robin des bois et L'or et le sang mais qui a trouvée ses limites.


Les prix décernés lors des festivals ou par d'autres acteurs (association Artemisia, dBD, ...) se multiplient et ressortent de notre sondage comme des repères crédibles. Un petit contre-poids au ressenti de certains auteurs qui perçoivent les festivals comme une contrainte inutile et commercialement inefficace (cf. article ActuaBD).

Les médias prescripteurs de BD : recensement  

La presse accueille de plus en plus la BD pour une "win-win association"
Le rapport 2010 de l'ACBD - Une année de bandes dessinées sur le territoire francophone européen (Gilles Ratier) - accorde une place importante  à la presse et aux prépublications de BD. Un passage en revue qui illustre bien le développement de la collaboration entre les deux médias. 
Tirage spécial Le Figaro 
vendu avec le journal
En plus des ventes d'albums couplées (cf. ci-contre), 10% des nouveautés BD sont publiées en avant-première dans la presse. A côté de cette diffusion d'oeuvres le plus souvent grand public (IRS, Blake et Mortimer, Largo Winch, ...), 68 périodiques BD sont publiés  (Super Picsou Géant 238 000 ex., Spirou 100 000 ex., Fluide Glacial 120 000 ex., Lanfeust Mag 30 000 ex.) auxquels il faut ajouter les magazines BD sous licences (Scooby-Doo, Littlest Petshop, ... de 35 000 à 100 000 ex. tout de même) et les 36 fascicules de comics américains (entre 15 000 et 30 000 exemplaires le titre).

Jusqu'alors réservée à la presse jeunesse (Bayard Presse, ...), la BD pédagogique ou d'investigation se voit ouvrir les pages de titres généralistes. Certainement la reconnaissance de l'excellent travail d'auteurs tels qu'Emmanuel Guibert (Le photographe, La guerre d'Alan). Le passionnant trimestriel XXI propose ainsi de très bonnes BD reportage. A titre d'exemple, il est possible de lire en ligne La cordée du mont rose sur Coconino world.


En terme de critiques et recommandations BD, la presse généraliste glisse (ir)régulièrement des articles dans les rubriques culturelles. Quelques exemples parmi les plus actifs :

La presse spécialisée ne compte que trois revues qui commentent l'activité du 9ème Art (ComixBox, CaseMate et dBD). dBD est un magazine de qualité qui propose aussi bien de l'actualité que des dossiers et des critiques. Dans le dernier numéro (#49), les interviews des 10 auteurs incontournables de 2010 sont particulièrement intéressantes. Les recommandations de BD sont souvent pertinentes mais le rythme de parution bimestriel empêche de réellement coller à l'actualité. D'où, certainement, la création par la même équipe du nouveau mensuel papier L'Immanquable, qui propose les 10-15 premières pages d'albums recommandés par la rédaction (tous les genres et tous les éditeurs). Une initiative intéressante mais qui me paraît un peu surprenante alors que les prévisualisations d'albums se généralisent sur internet. 
  


Les radios ne coincent pas la bulle
Moins influente que les autres médias, la radio compte néanmoins plusieurs rendez-vous BD récurrents, notamment sur les ondes de Radio France. Un point souligné par le Comptoir de la BD dans le billet du 19 août 2010.

Ainsi, Jean-Christophe Ogier (France Info) anime une chronique dominicale agréable et diversifiée retransmise à 5h51, 7h51, 12h42, 14h49 et 21h51 (durée 2 minutes 30). Aussi disponible en podcast.  Actualité du moment, le 17eme Prix France Info de la Bande Dessinée d'Actualité et de Reportage vient d'être décerné au grand Gaza 1956, en marge de l'Histoire (Futuropolis).

Plus ou moins tous les samedis matin (d'après les podcasts) et sur OÜI FM (102,3 FM), un certain Joe fait un point sur l'actualité de la BD. Les chroniques sont impactantes, spontanées et couvrent des domaines très variés (durée 3-4 minutes). Claire et  intéressante, même à propos de BD pointues comme Toxic. Mérite tout à fait une oreille attentive.


François Angelier anime tous les samedis Mauvais genres (21h-22h) : "À l'heure où la culture de genres (Polar, Mangas et Comics, Érotisme, Science-fiction et Fantastique) se fait omniprésente, l'équipe de Mauvais Genres la passe chaque semaine au crible". Toujours sur France Culture, la quotidienne A plus d'un titre (16h-17h) donne du champ à la BD tous les vendredis en la personne de Tewfif Hakem. Deux émissions podcastables.

D'autres émissions de radio abordant la BD sont aussi disponibles sur internet. ActuaBD a recensé ces émissions, comme celle de La Bulle Blindée.



La télévision s'intéresse peu à la BD mais développe une offre VOD
Un monde de bulles diffusée sur Public Sénat est le seul rendez-vous récurent de la BD sur le petit écran (plat). Une émission sympathique et éclairante qui va fêter sa 250ème avec goût : une spéciale Fabien Nury (le 04/02/11 à 23:00 puis rediffusion tout le week-end - aussi disponible en VOD sur le site de la chaîne). L'énergique animateur Jean-Philippe Lefèvre peut crisper mais il a le mérite de dynamiser les 29 minutes hebdomadaires et d'assurer une couverture large du 9ème Art.

Culturebox BD - France3.fr
Autrement, aucune émission ne semble donner un espace régulier à la BD. A ma connaissance, La grande librairie ( prescripteur n°1 de bouquins en France) n'est pas très portée sur la chose. France Télévision semble accorder néanmoins de la place aux mondes de la BD mais plus sur leurs sites internet qu'à l'antenne. Ainsi, la page BD sur France2.fr et, surprise de cette recherche sur la toile, Culturebox, le premier guide culturel en vidéo, sont des rubriques BD interpellantes. La télévision à la demande (VOD) commencerait-elle à prendre forme ?




Internet : premier média d'influence pour la BD ?
Les résultats de notre questionnaire tendent à montrer qu'internet est, en cumulé, le média le plus influent pour la BD. Il est vrai que la toile fourmille de ressources et de matériel : contenus créatifs(15 000 blogBD estimés, plateformes commerciales, ressources pédagogiques, critiques, actualités, interviews, bases de données, .... 
En terme de prescription, le rapport de l'ACBD dénombre "32 sites généralistes actifs consacrés au 9ème art" dont les rédactions sont "pour la plupart composées de bénévoles passionnés". Feu le site Bande Dessinée Info proposait un classement des sites généralistes BD par audience. Obtenu par une méthodologie très discutable, le ranking proposé en décembre 2010 donne néanmoins  quelques indications intéressantes :
La grande majorité de ces sites sont peu conviviaux. Réalisés par des passionnés pour des passionnés, ils manquent de lisibilité et de fluidité. Un abord difficile et parfois rebutant qui explique peut-être leur faible influence estimée au profit des blogs. Le nombre de blogs abordant la BD est assurément élevé mais aucun chiffre fiable ne semble disponible. Rédigés par des amateurs qui essayent de combler les vides laissés par les autres médias et de partager leur hobby, les blogs permettent souvent d'obtenir des avis intéressants, spontanés et parfois atypiques. La difficulté pour l'internaute est de trouver blog à son pied.
Certains sites d'information abordent la BD par le biais de blogs "institutionnels". Une approche retenue par exemple par Le Monde (Sebastien Naeco - Le comptoir de la BD) et par Slate (la virtuelle Laureline Karaboudjan - Des bulles carrées).


Et le cinéma dans tout cela ?
Que ce soit le comics américain ou la BD franco-belge, le mercato 2011 entre le 7ème et le 9ème arts s'avère très actif. Un sujet qui fera l'objet d'une prochaine rubrique.


Sylvain

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