23 févr. 2011

Largo Winch 2 - Le cinema européen intègre la culture mainstream

La forteresse de Makiling (T7)
La Larmes du tigre (T8)
Francq - Van Hamme - Dupuis 
L'une des marques de fabrique des aventures de Largo Winch est leur formatage : le lecteur sait ce qu'il achète et n'est que rarement déçu sans être pour autant transporté vers des sommets.  

Le deuxième film inspiré de la série suit la même logique. Il ne pioche qu'avec parcimonie dans le dityque birman original pour mieux coller aux codes actuels du cinéma grand spectacle. En cela, la critique des Inrocks est facile : "Ce n’est même plus un film, c’est un cahier des charges". Certes, Jérôme Salle est loin d'égaler Paul Greengrass (Green Zone, La vengeance dans la peau, ...) mais reprocher à un divertissement assumé de suivre les codes du genre est grandement banal. 

Largo Winch 2 est un film européen mainstrean qui n'a pas à rougir de la comparaison avec la plupart des films américains de budget équivalent (20 millions d'euros). Et c'est plutôt une bonne nouvelle dans un contexte où les exportations culturelles européennes chutent de 10% chaque année (la situation étant l'inverse pour les États Unis selon le très intéressant article de Réjane Ereau Mais où est passée la culture européenne - OWNI).  

Pour autant, le film est loin d'être exceptionnel. Correct sans plus alors qu'il pouvait certainement faire mieux. La notation tant des critiques que des spectateurs sur Allociné est de 3/5, avis auquel je me rallie tout à fait.
Globalement efficace le film s'égare de manière un peu incongrue sur le terrain du sentimentalisme romantique en son milieu. En partie la faute à un levier scénaristique très encombrant ajouté à l'univers de la BD (cf. commentaires). Par ailleurs, certaines scènes d'action sont rendues confuses par des mouvements de caméra convulsifs. Comme me le disait Clément, on en arrive à se demander si l'on a pas oublié les lunettes 3D. 
Les seconds rôles sont globalement réussis, comme par exemple le majordome joué par Nicolas Vaude et bien évidemment Alexandre Jung porté par Laurent Terzieff. Simon Ovronnaz est sympathique mais franchement léger par rapport à son avatar papier.


Commercialement, le film démarre encore mieux que le premier opus qui avait frôlé les 2 millions d'entrées en salle. Avec 475 000 spectateurs en première semaine, il se positionne en deuxième place derrière Rien à déclarer (992 000 entrées dans la même semaine et 5.6 millions en cumulé - sources Excessif) dont l'adaptation papier est aussi en tête du Top 15 des ventes BD de la semaine (BDzoom). Pas vraiment de la culture mainstream pour le coup !
Sylvain

21 févr. 2011

Adamson - Du fantastique victorien top niveau



Über Alles - Troisième tome de la série Adamson (Veys / Puerta) - Delcourt

Londres 1913. Alors que les prémices de la première guerre mondiale agitent l'Europe, Henry Adamson est un aventurier que le désoeuvrement plonge dans une profonde dépression. Au bord du suicide, il reçoit une offre du gouvernement britannique aussi folle qu'inespérée : prendre la tête d'une expédition militaire pour franchir une porte invisible menant vers une autre dimension.


Mariage parfait du trait et du scénario, Adamson captive tout aussi bien par son onirisme graphique que pour son scénario parfaitement agencé. Le dessin faussement hyperréaliste de Puerta maximalise l'atmosphère de mystère "lovecraftienne" tout en évitant l'écueil fréquent de ce type de traitement graphique : éloigner le lecteur du récit par une trop grande théatralisation type roman-photo. Le travail des couleurs est magnifique mais les planches en noir et blanc ne manquent pas d'intérêt (cf. blog de l'auteur). 


Pierre Veys signe un scénario pour le moins différent de ses principales productions (Baker Street, Philip et Francis, Rien à Déclarer, ...). Très réussie et aboutie, l'intrigue se développe sur plusieurs fronts avec une grande clarté. Riche en surprises et rebondissements, elle ne laisse peu de temps mort. Seule exception, les planches 8, 9 et 10 de ce troisième tome qui paraissent plus chargées en texte et trop explicatives mais il faut croire que leur contenu est d'importance pour la suite. 


Bref, j'aime Adamson et cela risque de surprendre Lorenzo qui me sait peu porté sur ce type de récit. C'est vrai d'habitude sauf que là c'est drôlement bien.
La série est aussi recommandée par le magazine ZOO.

Sylvain

19 févr. 2011

ZOO - Magazine BD pratique et gentiment critique

Avec 120 000 exemplaires annoncés, ZOO est le premier magazine BD en France. Contre-partie positive d'une maquette un peu fourmillante, ce gratuit permet de passer rapidement en revue les sorties du moment. 
Les critiques d'albums sont synthétiques mais paraissent dans l'ensemble moins insicives que celles des payants dBD et Casemate (tirés entre 20 000 et 30 000 exemplaires). D'où la question : est-il possible à ce mensuel d'être critique alors que la publicité est son unique source de revenu ? Il faut donc partir du principe que les albums non présentés ne sont vraiment pas recommandables et que les BD ne bénécifiant pas d'un avis positif affirmé ne sont qu'à peine lisibles.
Pour celles et ceux qui voudraient se faire une opinion ou tout simplement suivre les sorties de février, le dernier numéro est consultable en ligne ci-après. Personnellement, rien n'a réellement retenu mon attention, hormis Adamson que j'attendais avec une certaine impatience. Les nouveautés BD des mois de janvier et février 2011 sont bien ternes, non ?


Le petit reportage réalisé par Un monde de bulles sur le magazine donne une image très "rédaction de salon" sans apporter de véritables informations. Sympathique,mais un peu léger sur ce coup là. 


Sylvain

18 févr. 2011

The Green Hornet - Mieux vaut voir le film que lire le comics

De Smith, Hester et Lau
Tome 1
Panini Comics - 13€

Richissime patron de presse, Britt Reid se transforme la nuit en Green Hornet. Accompagné de Kato, il se fait passer pour un truand afin de mieux lutter contre la pègre.

Préfigurant Batman, le personnage du Frelon vert est à l'origine un héros radiophonique qui, après un succès initial important, n'a connu que des adaptations peu pérennes dont la série télévisée de 1966 avec Bruce Lee. 

Ce comics très classique ne présente qu'un seul intérêt, celui de souligner par contraste toute l'originalité, la maitrise et l'humour du film éponyme sorti le 12 janvier dernier. Du cinéma à gros budget (120 millions de dollars) qui est, contrairement à ce que la bande-annonce ci-dessous peut laisser croire, très second degré.


Une bien agréable surprise réalisée par le français Michel Gondry qui a aussi commis le très émouvant Eternal Sunshine avec Jim Carey (2004), la saga Nespresso What else? et voit en ce moment même une première rétrospective de son oeuvre organisée à Beaubourg.
Un petit retour aux sources pour le plaisir.


Sylvain

15 févr. 2011

BD numérique - Apple, un frein au développement de l'offre d'IZNEO & Co?

Alors que l'offre de lecture numérique peine à se développer et rencontre de nombreux obstacles (droits et rémunération des auteurs, cohérence des prix entre papier et numériqueformat des fichiers, ...), Nathalie Silbert détaille une difficulté supplémentaire : les pratiques commerciales d'Apple (Les Echos du 15.02.2011).

L'interdiction d'AppStore décrétée par la firme de Cupertino concernant l'application de livres électroniques de SONY a pu passer pour une guerre entre "world companies". Or, il s'avère que l'ensemble des éditeurs est concerné par la décision d'Apple qui souhaite que "les applications permettant aux clients d'acheter des livres - et plus largement des contenus - soient totalement intégrées à son propre système de facturation". Objectif : percevoir 30% sur chaque achat réalisé.

L'article nous apprend qu'IZNEO s'est vu refuser son application jeunesse Puceron pour le même motif et que la plate-forme BD espère que son système de porte-monnaie électronique ne sera pas rejeté. Régis Habert, DG d'IZNEO, regrette la stratégie d'Apple qui "nous gêne pour intégrer les libraires dans la boucle de la vente numérique". D'autres contraintes sont pointées du doigt : "droit de regard sur les prix pratiqués sur l'iPad, droit de censure si la BD montre un sein".

Un bras de fer est donc engagé entre les éditeurs et Apple qui a annoncé une nouvelle charte pour le 30 juin 2011. Le point de vue d'Apple est retranscrit dans l'article du Monde "Apple dévoile son système d'abonnements sur iTunes" : "Quand Apple amène un nouveau client vers (l'App Store), Apple gagne une commission de 30 %. Quand l'éditeur amène un client nouveau existant ou nouveau vers l'App Store, l'éditeur garde 100 % des recettes". 
Il n'est pas certain que dans ce contexte l'offre numérique puisse prendre encore son envol en 2011. 


Il serait effectivement plus commode de payer directement via iTunes. Cependant, cette facilité de paiement a des contre-parties déplaisantes. J'espère qu'il sera toujours possible au posesseur d'iPad de continuer à acheter en ligne n'importe où sur le net, sans dîme supplémentaire. D'autant plus que le système de porte-monnaie mis en place par IZNEO s'avère satisfaisant à l'usage. 

14 févr. 2011

Alpha ... directions - 7 millions d'années par image

De Jens Harder
Bichromies - 350 pages
Actes Sud - l'an 2 (39,50€)

Fauve Angoulême 2010 - Prix de l'Audace

Passionnant, fascinant, ... colossal !

Résumé de l'éditeur

Quatorze milliards d'années résumées en à peine plus de 350 pages, tel est le tour de force réalisé par Jens Harder.

Alpha...directions relate et montre, comme on ne les avait jamais vues, l'évolution des formes de vie, depuis le big bang jusqu'à l'apparition de l'homme. Ces pages impressionnantes confrontent aussi l'état actuel de notre savoir avec les croyances et représentations des époques antérieures, souvent naïves ou fantastiques, telles que l'iconographie en porte témoignage.


Objet séquentiel hors du commun, Alpha...directions délivre ce qu'il promet : mettre en image le scénario darwinien de la création du monde. Le dessin, qui fait référence aux illustrations traditionnelles d'encyclopédies, s'apprivoise rapidement et on est vite captivé par la construction des planches. Leur pouvoir d'évocation est très fort, notamment grâce à l'insertion d'images tirées de l'iconographie collective. Parmi celle-ci, des vignettes religieuses bien sûr mais aussi des références cinématographiques (Mélies, Les Dents de la Mer, ...) ainsi que des clins d'oeil humouristiques à la BD traditionnelle (Donald, Tintin, la mouche de Trondheim, le petit dinosaure GON, ...). Une audace qui enrichie la lecture et évite de la rendre trop arride.
Le texte off est précis, accessible et limité à l'essentiel. L'utilisation du présent est aussi une bonne idée qui dynamise la lecture. La traduction de l'allemand est assurémment de très bon niveau.
Un superbe travail de compilation et de vulgarisation donc qui s'appuie sur une approche artistique assumée. Un scientique pur jus ne pourrait certainement pas obtenir un résultat aussi impactant.


Les annexes proposent une très intéressante post-face de l'auteur ainsi que de belles illustrations. On y trouve aussi un paragraphe intitulé "au fan de mangas" : "Si, par habitude, tu as ouvert Alpha à cette page (la dernière) tu es cordialement invité à poursuivre ta lecture dans ce sens. Tu pourras ainsi examiner tous les processus et développements représentés dans ce livre de manière inédite ...". Bel humour.


N'hésitez surtout pas à emprunter Alpha...directions à la bibliothèque municipale. En plus, je vais rendre l'album demain ...
Il est d'ailleurs plus que probable que j'achète ce bel objet afin de le relire. Je suis curieux de savoir si le prochain tome de la série Béta...civilisations sur l'évolution des homidés sera aussi réussi.

Pour rappel, d'autres BD scientifiques sont présentées dans la chronique science dessinée.

Sylvain

11 févr. 2011

Naja - Polar efficace et stylisé

De Morvan et Bengal
Histoire complète en 5 tomes
Dargaud

Insensible à la douleur tant physique qu'émotionnelle, Naja est la tueuse numéro 3 de l'Organisation. Elle enchaîne les contrats sans se poser de questions jusqu'à ce qu'elle apprenne que le tueur numéro 1 veut se débarrasser d'elle. Une traque planétaire commence.

Ambiance John Woo époque Hong Kong pour ce polar axé sur l'action et les rebondissements. Le scénario développe des situations et des personnages improbables mais reste très cohérent et retombe bien sur ses pattes. Une belle réussite narrative qui donne une lecture dynamique et prenante.


Naja est une série pleine de personnalité qui se distingue des autres productions du genre. Il y a certes une bonne adéquation entre le trait d'inspiration manga et le découpage nerveux mais la particularité de l'oeuvre réside dans l'utilisation des textes. Parfois absents de planches entières, ils ne prennent que rarement forme de dialogues laissant une place prépondérante à une voix off très justement utilisée (hormis quelques sorties "philosophiques" un peu pontifiantes). 

Le cinquième et dernier tome boucle bien l'histoire. Il est moins aéré que les précédents, voulant un peu trop susciter le "wahou effect". Mais l'ensemble permet de bien se délasser.

La location des trois premiers tomes est disponible en version numérique à 1,99€ sur IZNEO. Pour être complet, le cinquième tome n'est encore  proposé qu'à l'achat et curieusement, le quatrième tome n'apparaît pas dans le catalogue. Un manquement qui sera certainement prochainement corrigé.

Sylvain

9 févr. 2011

El Spectro - Une belle aventure à la papa

De Rodier et Antoine
Tome 1 - Les Mutants de la Lune Rouge
Le Lombard

Un bon moment de détente

Un héros musclé et masqué. Une championne d'échec blonde et prompte à se faire enlever. Un scientifique fou qui fait passer le docteur Moreau pour un membre de la Commission Éthique et Liberté. Bref, de la grande aventure rétro et décomplexée.

Les deux auteurs québécois s'associent pour livrer un album assumant à 100% ses influences européennes, tendance âge d'or du journal de Spirou. Réjouissant et d'autant plus plaisant que réalisé sans prétention.


Rodier et Corteggiani
fans de Gil Jourdan
(Glénat)
Yves Rodier dessine à la Tillieux de manière étonnante.  La similitude de trait est encore plus marquée que pour Simon Nian. Mais cette fois il est servi par un scénario correct ce qui n'est pas vraiment le cas des histoires livrées par Corteggiani.
El Spectro ne peut que ravir les nostalgiques de grands classiques tels que Tif et Tondu et autres Ginger. Il manque juste une pointe d'humour pour être parfaitement raccord.

Une agréable surprise d'ailleurs recommandée par le magazine dBD.

Sylvain

8 févr. 2011

Paul à Québec - Million Dollar Papy

De Michel Rabagliati
Histoire complète (180 pages - Noir et Blanc)
Editions La Pastèque

Une BD qui secoue son homme

La vie d'une famille québécoise confrontée au cancer et à l'accompagnement de la fin de vie du jeune grand-père.

Les titres de la série de Michel Rabagliati (Paul à la campagne, Paul à un travail d'été, Paul à la pèche, ...) ne sont pas sans évoquer la série enfantine des Martine mais leur contenu est cependant d'une toute autre teneur. C'est en particulier le cas de ce dernier tome qui, je dois l'avouer, m'a cueilli.
Vierge de toute information concernant le scénario, je me suis laissé porter par le premier tiers de l'album qui pose les personnages et la vie heureuse d'une famille québecoise. Rien d'extraordinaire ni de très prenant à ce stade. Gentillet. Et puis le récit bascule avec l'annonce du cancer du pancréas et l'inecductabilité de la mort rapprochée du grand père. Les planches gagnent alors sérieusement en densité sans rien perdre de leur délicatesse. Le choc est similaire à celui procuré par le film Million Dollar Baby de Clint Eastwood avec cependant une grande nuance : la fin est beaucoup moins noire, la famille et le malade parvenant à gérer la situation d'une manière remarquable.


Vendue à plus de 100 000 exemplaires et allant faire l'objet d'une adaptation cinématographique, Paul à Québec est une oeuvre forte et poignante. A lire en étant cependant informé du contenu.

Sylvain

6 févr. 2011

Apprenti - Mémoires d'avant-guerre

De Bruno Loth
Histoire complète - 90 pages (couleur)
La boîte à bulles - 17€

Beau témoignage plein d'humanité

Bruno Loth met en image la sortie d'adolescence de son père qui a quitté l'école à 16 ans en 1935 pour travailler au chantier naval de Bordeaux afin d'aider financièrement ses parents.

Le trait classique est relevé par une mise en couleur plutôt audacieuse qui joue sur les contrastes entre des gris/bleus dominants et des éclats de couleurs chaudes. Le résultat visuel est agréable d'autant que le découpage est dynamique. Néanmoins, Apprenti mérite plus le détour pour la valeur du témoignage apporté que pour pour sa performance graphique.


Sans manichéisme et tout en neutralité, les différents aspects de la vie d'un jeune garçon de l'époque sont déroulés. Une opportunité agréable de se rafraîchir la mémoire sur le Front Populaire.

Apprenti apparaît comme un complément aux oeuvres engagées que sont Le Combat Ordinaire de Larcenet et Un Homme Est Mort de Davodeau. Ainsi, la solidarité ouvrière n'y est pas magnifiée et la lutte des  classes y est présente sans être centrale. Les ouvriers boivent et bizutent les apprentis, la sous-préfète est une cruche, les jeunes garçons vont au bordel pour se faire dépuceler et flirtent gentiment avec les filles de leur âge, le jeune ingénieur est un prétentieux qui n'attire aucune confiance ni sympathie, ..., la vie telle qu'elle était/est.

Au final, on s'interroge sur le devenir du jeune Jacques, ouvrier engagé et idéaliste féru de littérature et de dessin. Comment a-t-il évolué et quel regard porte-t-il sur le monde de l'après-guerre ?

Dans l'atonie et la globale platitude des sorties BD du mois de janvier 2011, Apprenti est une biographie enrichissante et intéressante à découvrir.

Sylvain

3 févr. 2011

8comix - Jérôme Jouvray va bien au fond des choses

Le site 8comix propose depuis mi-janvier des BD gratuites mises en ligne par épisodes. Une expérimentation conduite par un groupe d'auteurs professionnels pour acquérir de l'expérience sur le marché naissant du livre numérique.   

Parmi les 9 titres disponibles, Le fond des choses me plaît particulièrement. 
Jérôme Jouvray y aborde, via quelques circonvolutions, une expérience médicale marquante. Les premières planche sont très réussies : drôles, gorgées de second degré et justes de ton. Elles abordent  le thème délicat de l'intime dans la relation patient / médecin. Cliquez-y !





Portugal de Cyril Pedrosa semble aussi bien parti. Je prends plaisir à retrouver l'atmosphère et la sensibilité "pedrosienne" de Trois Ombres. Par contre, le nombre d'épisodes en ligne étant limité à cinq par l'auteur, il est préférable de ne pas tarder à monter dans le train pour bien saisir la mise en place de l'histoire. Raccrocher les wagons plus tard s'annonce compliqué.


Autres oeuvres sympathiques à feuilleter sur le site : José à l'humour "trondheimien" et L'ïle aux cent mille morts.


Bonne lecture.


Sylvain

2 févr. 2011

La Balade de Yaya - Sympathique histoire enfantine

De Jean-Marie Omont et Golo Zhao
Tome 1 (La Fugue) - Couleur
Editions FEI - 8,5 euros


1937. Yaya, petite fille gâtée de la bourgeoisie shanghaienne, fait fi des consignes paternelles et s'élance seule dans la ville assiégée pour passer son concours de piano. Un bombardement la ramera brutalement à la réalité et un garçon des rues providentiel lui laissera l'espoir de pouvoir retrouver les siens. 




Servie par de belles images douces à la tonalité manga, l'histoire est bien menée, sans temps mort. Elle s'appuie plus sur des ressorts dramatiques que drolatiques mais reste bien équilibrée. Pour l'avoir testée, elle plaît aux enfants. Pas le coup de foudre mais un agréable moment de lecture.


Après les solides enquêtes du Juge Bao, Les Editions Fei semblent donc résolument privilégier la qualité à la quantité : La balade de Yaya s'annonce comme une saga enfantine prometteuse.
Le beau site Catsuka ainsi que la FNAC reflète bien l'appréciation positive que suscite l'album auprès des critiques. 

A noter qu'une exposition itinérante dans un bus des années 30 a été montée autour de la création de la série. Arrêt demain à Paris dans la librairie Boulevard des Bulles (50 bd St Germain) pour une séance de dédicace à partir de 16:00 ( Chongrui Nie et Patrick Marty (pour Juge Bao) ainsi que Jean-Marie Omont et Golo Zhao (pour La Balade de Yaya). 


Merci à maman K. pour cette découverte.

Sylvain

1 févr. 2011

Angoulême 2011 - Revue de presse buissonnière

Le 38ème Festival International de la Bande Dessinée vient de fermer ses portes.  Le bulles se dégonflent, les langues se délient et les derniers articles tombent. Bilan.


Succès populaire et médiatique synonyme de pérennité ?
Le nombre total de visiteurs est annoncé stable (autour de 200 000), avec cependant une nette augmentation de la fréquentation des expositions et des restaurants. Une belle caisse de résonance pour les 6000 professionnels réunis pour un "écho médiatique sans précédent" (800 journalistes, 2 ministres, l'ambassadeur des Etats Unis et quelques "people").

Les sourires sont d'autant plus grands que le festival ressort renforcé dans sa dimension internationale grâce aux expositions cosmopolites, aux albums primés et au Grand Prix donné à l'américain Art Spiegelman (NouvelObs et Le Point). En ligne de mire, de nouveaux partenariats potentiels pour la filière image charentaise et plus de visibilité pour la BD franco-belge.

Le festival s'ouvre aussi de plus en plus au cinéma. Une tendance de fond illustrée cette année avec Tron, Largo Winch II et L'élève Ducobu et un planning de sortie conséquent pour 2011 (Titeuf, Le chat du rabbin, les stroumpfs et Tintin, sans parler des comics). Somme toute très cohérent avec l'existence du pôle image numérique d'Angoulême.

Seule ombre au tableau, les relations tendues entre l'organisation du festival (9e Art+) et le Musée de la BD (CIBDI) qui peuvent avoir une incidence sur le financement des prochaines éditions. Selon La Charentes Libre, pas d'entente entre les deux structures, pas d'argent de la part du Conseil Général. Forcément compliqué sachant que, de plus, les participations financières de la FNAC et de la SNCF doivent être rediscutées pour les années à venir. La situation semble néanmoins moins compliquée que pour l'édition 2010 que le maire d'Angoulême avait mis en péril.


Très bon mandat du Président Baru
Unanimement salué pour sa présidence et son engagement, Baru a réussi à dynamiser le festival tout en restant fidèle à ces valeurs. Définitivement un grand Monsieur qui s'est visiblement fait plaisir. En prime, il est parvenu à faire éditer par le FIBD sa propre compilation de vieux rocks (R'n R Antédiluvien).



Anecdote : canular à la belge
Judith Forest - 1h25, dont Les Inrockuptibles avaient salué l'autobiographie "pudique et caustique" serait une très rentable mystification selon Le Point
La suite du premier opus est annoncée et l'éditeur d'expliquer : "Judith Forest n'existe pas. Celle qui est passée à la télévision et répondait aux interviews, nous l'avons choisie comme pour un casting afin qu'elle puisse correspondre au personnage de 1 h 25. Un ou une véritable auteur se cache bien derrière Judith Forest, mais ce qu'il faut retenir de Momon, c'est la réflexion sur l'authenticité, sur ce qu'est une autobiographie en bande dessinée." 



Palmarès 2011: un prescripteur de premier choix
Les lauréats de l'année sont à la fois exigeants et accessibles. De quoi satisfaire tout le monde, y compris les libraires qui pourront pour une fois conseiller au plus grand nombre les ouvrages primés.
Certes, comme Les Inrocks,  on peut regretter l'absence de Quai d'Orsay de Blain et de Nine Antico (Girls don't cry et Coney Island Baby) mais il faut bien trancher. 

Un dilemme très bien expliqué par le bel article J'étais juré à Angoulême (Télérama) dans lequel J.C. Loiseau assume totalement le palmarès : "On y voit distingués de jeunes voire de très jeunes auteurs, sans que, pas une seconde, au cours des débats, ce choix générationnel ait été posé comme tel. Une vérité s’est, en somme, imposée d’elle-même : ce palmarès mitonné à sept, en toute liberté (merci Baru !), reflète très bien l’état actuel de la création. Une « ébullition » est à l’œuvre, une relève extrêmement douée est entrée en piste, la bande dessinée a un bel avenir. Au moins sur le plan créatif."

Remarque, le Grand Prix prive les albums récompensés de lumière. Pourquoi ne pas décerner les Fauves au début de Festival pour les laisser s'épanouir, comme le pratique le salon du livre et de la presse jeunesse de Montreuil, et garder le point d'orgue du grand prix pour le dimanche ?


Le numérique s'efface devant le papier ... le temps du festival
La BD numérique semble s'être faite discrète durant le festival comme le souligne ITRnews : "Le frein semble être mis sur le développement numérique. .... Comme pour montrer que la FNAC principal acteur économique de la chaine de la BD et sponsor du festival avec la SNCF, avait plus à perdre qu’à gagner du développement d’IZNEO ou de DIGIBIDI."

Une thèse cohérente avec la déclaration de Patrick Béhar en novembre 2010 : "Avec une perspective de 20 % du marché du livre passé au numérique en 2015, l'ensemble de l'écosystème va être touché, et les libraires vont souffrir. Le livre numérique remet le lecteur au centre du dispositif et lui donne un rôle de prescripteur via les réseaux sociaux.


Quelques ateliers donc, petite communication d'Aquafas autour de leur logiciel de numérisation Comic Composer mais certainement beaucoup de bruissements en coulisse comme en témoigne la photo ci-contre. 

Au coeur des débats, les droits que les auteurs voudraient voir renégociés pour le numérique. Un thème abordé par Frédéric Mitterrand : "... la question aujourd'hui est de savoir comment la BD va être transmise sur la toile, comment défendre, avec Internet, les intérêts des auteurs." Pas de solution pour l'instant.

Profitant de ce vide, Thomas Cadène du site Les autres gens a fait feu de tout bois (TF1Actualitté, ...).



A noter tout de même, un long  et riche article du Figaro qui dresse un bilan intéressant de la lecture de BD sur iPad. Suit une petite interview de Régis Habert (DG d'IZNEO). Extrait choisi :
  • "Lirons-nous un nouveau type d'albums?
  • Un jour peut-être, mais ce n'est pas la direction que nous suivons pour l'instant. Les contrats éditoriaux ne permettent qu'une reproduction homothétique des planches, rien de plus. Izneo n'effectue donc aucun travail éditorial, et se contente de mettre en place la tuyauterie pour rendre les albums disponibles. Redécouper un album requiert un contrat nouveau, ou l'acquisition d'une licence, et repose sur une économie différente, avec de nouveaux investissements."
BD homothétique, BD numérisée, BD numérique, ... la guerre des mots est lancée.

Sylvain