De Nury et Bruno
One Shot - Couleur - 86 pages
Dargaud
Fils d'un roi africain, Atar Gull est livré par une tribu ennemi à des trafiquants d'esclaves qui l'emmènent aux Antilles pour être vendu à un planteur de canne à sucre. Un périple rempli de vengeance qui l'amènera de l'Afrique noire à Nantes.
Oeuvre forte et passionnante, Atar Gull est un excellent album qui, de plus, ne laisse pas indifférent.
Le duo de choc formé par ces deux auteurs en pleine ascension fonctionne à plein régime. Un point d'ailleurs analysé par Fabien Nury dans sa récente interview dans DBD : "Pourquoi vous êtes-vous associé à Brüno sur ce projet ? D'abord, parce qu'il dessinait super bien les Blacks dans Inner City Blues. Et puis je ne voulais pas d'un dessin réaliste qui risquait d'être redondant avec l'horreur de l'esclavage... Grâce à son dessin synthétique, je savais que l'on pouvait s'offrir une véritable liberté de ton."
Et effectivement, l'adéquation entre le scénario impactant et le trait caractéristique produit un récit historique d'une grande intensité, hors des sentiers battus.
Le blog de Bruno offre une vue comme toujours intéressante du travail graphique effectué sur ce projet. Son dessin gagne en intensité et en émotion au fil des albums.
Reste le cas de l'adaptation.
Une lecture accélérée du roman original disponible gratuitement en ligne permet de mesurer le gros travail de modernisation et d'épure effectué par Nury, les dialogues n'étant que la partie la plus visible.
Le site Eugène Sue, L'oublié offre la possibilité de mettre en perspective ce roman populaire explosif : "Lors de sa parution en 1831, ce troisième roman d'Eugène Sue fit scandale, comme le rapporte Ernest Legouvé : " L'effet fut immense. Ce mélange d'audace dramatique et de sarcasme; ces scènes pathétiques ou gracieuses, terminées par le plus insolent des dénouements, ce prix de vertu donné par l'Académie à ce nègre meurtrier et empoisonneur, tout cela scandalisa, exaspéra, enthousiasma..." Atar-Gull contredit et parodie le mythe du bon sauvage pour dévoiler celui du barbare anthopophage. Du suicide au meurtre, il commet tout ses crimes avec un raffinement qui fait frémir. Le lecteur est effrayé de voir ce génie du mal agir en toute impunité; mais il hésite parfois à condamner cet esclave arraché à sa terre, par le bon vouloir de l'homme blanc qui a besoin de main d'oeuvre pour faire cultiver son exploitation. Que penser de l'attitude bonhomme de M. Benoît, honnête commerçant, qui compte parmi sa marchandise de la chair humaine ? Que dire aussi du personnage de Brulard, ancien gentilhomme trompé, trahi qui a survécu à son suicide et qui choisit la piraterie après avoir connu le luxe des salons parisiens."
Des questions toujours valables 180 ans plus tard et c'est ce qui décuple l'intérêt de cette BD : secouer le politiquement correct contemporain.
A noter qu'une version noir et blanc de l'album sera prochainement disponible en édition limitée.
Ajout du 03/12/2011 : lien vers des planches commentées par Nury sur Figaro.fr.
Ajout du 03/12/2011 : lien vers des planches commentées par Nury sur Figaro.fr.
Sylvain
Critiques Bédérama des autres oeuvres de Fabien Nury (vue d'ensemble) et de Bruno (Commando Colonial et Junk).
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire