L'article des Echos du 6 octobre 2010 - Le triple casse-tête du prix du livre numérique - débute par un constat : «l’édition est le dernier bastion des industries culturelles à basculer dans le numérique». Poussées par l’arrivée à maturité technologique de l’iPad et des eBooks, les maisons d’éditions s’activent, dans une certaine urgence semble-t-il, pour s'adapter à l’irruption du numérique sur leur marché papier mature.
La 62e Foire du livre de Francfort entraine cette semaine la publication de nombreux articles sur le livre numérique. Un sujet intéressant et riche qui est aussi traité de manière suivie par de nombreux blogs spécialistes, ou du moins passionnés. Un véritable foisonnement d'opinions et de faits.
La 62e Foire du livre de Francfort entraine cette semaine la publication de nombreux articles sur le livre numérique. Un sujet intéressant et riche qui est aussi traité de manière suivie par de nombreux blogs spécialistes, ou du moins passionnés. Un véritable foisonnement d'opinions et de faits.
Tentative de compilation, plus copieuse que synthétique, parsemée de quelques commentaires personnels.
L’exemple américain
Toujours dans le même article, Nathalie Silbert souligne qu’aux Etats Unis « les ventes d'ouvrages dématérialisés représentent déjà 8 % du chiffre d'affaires des éditeurs et concernent essentiellement les best-sellers ». Le marché numérique américain est donc plus développé qu’en France et s’appuie, selon La Feuille, sur un prix du livre numérique de 30% à 50% moins cher que la version papier. Reprenant une étude du New York Times qui détaille et compare la structure des coûts entre livre papier et livre dématérialisé, le blog e.Bouquin analyse qu’en dessous de 12,99$, le modèle économique du numérique n’est pas viable. Pour l’instant, car on peut imaginer que les volumes de ventes augmentant et que les technologies de numérisation s’affinant, les coûts d’édition par exemplaire diminuent de manière notable. Les prix de «fabrication» devraient donc baisser à terme.
L’exemple américain
Toujours dans le même article, Nathalie Silbert souligne qu’aux Etats Unis « les ventes d'ouvrages dématérialisés représentent déjà 8 % du chiffre d'affaires des éditeurs et concernent essentiellement les best-sellers ». Le marché numérique américain est donc plus développé qu’en France et s’appuie, selon La Feuille, sur un prix du livre numérique de 30% à 50% moins cher que la version papier. Reprenant une étude du New York Times qui détaille et compare la structure des coûts entre livre papier et livre dématérialisé, le blog e.Bouquin analyse qu’en dessous de 12,99$, le modèle économique du numérique n’est pas viable. Pour l’instant, car on peut imaginer que les volumes de ventes augmentant et que les technologies de numérisation s’affinant, les coûts d’édition par exemplaire diminuent de manière notable. Les prix de «fabrication» devraient donc baisser à terme.
Comme le souligne Alexis Jaillet d’eBouquin :
- la structure des coûts de l'objet papier bouscule les idées reçues concernant les frais d’impression et logistique qui ne sont proportionnellement pas si élevé qu’on pourrait le penser.
- la répartition des coûts du livre numérique est moins à l’avantage des auteurs. « On observe que du côté de l’auteur, ses royalties diminuent au profit des maisons d’éditions, qui réalisent des économies de transport, d’impression et de stockage, et ont des frais moindre avec les étapes de numérisation, design et marketing »
Aucune donnée équivalente n'est visiblement disponible pour la France qui dispose d'un modèle particulier depuis plus de 30 ans.
La spécificité culturelle française
Le numérique vient bousculer le modèle économique des ouvrages imprimés, qui s'articule autour de la loi Lang de 1981 sur le prix unique dont le but est de préserver la création et protéger les marges des éditeurs afin de rémunérer les auteurs et d'assurer la diversité de l'offre éditoriale tout en assurant la survie des libraires.
Avant d’entrer dans le débat, il est intéressant de partir de l’analyse comparative du marché du livre proposée par Hubert Guillaud (La Feuille) dans son article Livre numérique : du prix unique au prix perpétuel. Copie et collage quelques morceaux choisis.
La spécificité culturelle française
Le numérique vient bousculer le modèle économique des ouvrages imprimés, qui s'articule autour de la loi Lang de 1981 sur le prix unique dont le but est de préserver la création et protéger les marges des éditeurs afin de rémunérer les auteurs et d'assurer la diversité de l'offre éditoriale tout en assurant la survie des libraires.
Avant d’entrer dans le débat, il est intéressant de partir de l’analyse comparative du marché du livre proposée par Hubert Guillaud (La Feuille) dans son article Livre numérique : du prix unique au prix perpétuel. Copie et collage quelques morceaux choisis.
- 28 % des livres vendus sont des poches, selon le Centre national du livre. Le prix moyen d’un livre de poche est de 6 euros. Force est de constater qu’on ne trouve pas encore de livre de poche au format numérique en France. Hormis l’offre de la collection Garnier-Flammation (à 3 euros l’unité !)
- Cette absence de seconde gamme créée un déséquilibre dans l’offre numérique et surtout impose un “prix perpétuel” qui n’est pas le reflet de la réalité du marché du livre. Si en France le prix unique du livre permet qu’un même produit soit proposé partout au même prix, cela ne signifie pas pour autant que la valeur de ce produit demeure égale dans le temps (marché de l’occasion, ...).
- Ainsi, le livre de Jean Rouaud, La Femme promise, paru en janvier 2009 aux éditions Gallimard, disponible au format numérique à partir de 16,8 euros (immatériel) vient de sortir en Folio au prix de 5,79 euros. Le premier tome de Twilight : 7,44 euros en poche, 17,10 euros en papier, 16,10 euros en numérique…
- Alors que le papier propose plusieurs gammes permettant de servir différentes clientèles, le livre numérique pour l’instant n’en propose qu’une. Pire, il fige le prix unique du livre sous la forme d’un prix perpétuel qui n’a jamais correspondu ni à l’esprit de la loi sur le prix unique, ni à la réalité du marché (occasion, prêt et poche venant déverrouiller des gammes).
Le prix du livre numérique et son évolution dans le temps sont donc au coeur de la problématique du développement du marché.
Les éditeurs sont à la recherche de la formule gagnante qui permettra de préserver le marché papier tout en développant le prometteur marché du numérique. Et l’inconnue majeure de cette équation est le juste prix.
Les éditeurs sont à la recherche de la formule gagnante qui permettra de préserver le marché papier tout en développant le prometteur marché du numérique. Et l’inconnue majeure de cette équation est le juste prix.
Sauf pour les oeuvres tombées dans le domaine public. Dans ce cas, le bon prix rime avec gratuit (exemple, La lettre volée d’Edgar Allan Poe disponible sur le chouette site publinet ). Pour les éditeurs, cela laisse présager la fin d’une rentrée d’argent régulière grâce aux classiques de la littérature. La bande dessinée va aussi connaître cette révolution. Ainsi, Popeye du dessinateur Elie Segar est libre de droit depuis janvier 2009 dans l’Union Européenne (source ActuaBD).
Se basant sur l’expérience des industries du disque et du film, il paraît important de proposer le prix le plus attractif possible aux internautes. Afin d’abaisser le prix de vente du livre numérique, plusieurs options sont envisagées :
- harmonisation de la TVA avec le livre papier. La diminution de 19,6% à 5,5% est à l'étude au parlement français
- abonnement à des bouquets, ce qui me paraît peu conciliable avec les habitudes d’achats de livres (qui tiennent plus à du papillonage qu'à une fidélité à une maison d'édition donnée), à moins qu’une telle offre soit «universelle» débordant du catalogue d’un seul éditeur.
- Evolution des prix au fil du temps suivant le modèle du livre papier
- Accès temporaire (location)
- Lecture sponsorisée
- ...
L’autre grand enjeu : le rapport de force commercial.
Nécessité faisant loi, s’organiser face aux «pure player» internationaux tels que Google, iTunes, Amazon semble être un élément très fédérateur qui fait titrer au journal Le Monde, Numérique : l'édition française se mobilise.
Nécessité faisant loi, s’organiser face aux «pure player» internationaux tels que Google, iTunes, Amazon semble être un élément très fédérateur qui fait titrer au journal Le Monde, Numérique : l'édition française se mobilise.
Une mobilisation rendue nécessaire, entre autre, par la volonté affichée de Google d’investir fortement ce marché. La firme californienne vient de réannoncer «le lancement de sa plateforme d'édition et de vente de livres numériques d'ici la fin de l'année aux Etats-Unis, et en 2011 en Europe» (Hubert Artus - Rue 89). Laquelle plateforme s’appuierait sur près de 15 millions de titres déjà numérisés ...
Pour faire face, les éditeurs français tâchent de garder le contrôle des prix et des droits d'auteur.
Ainsi, un projet de loi est intégré au calendrier parlementaire. «Si cette loi est adoptée, les éditeurs auront l'assurance de conserver la maîtrise du prix des livres numériques. Au moins pour ceux qui sont identiques au livre papier, car la définition du livre numérique continue en revanche d'être un casse-tête» (Le Monde). A priori, l’ajout de son ou d’animations feraient/permettraient de sortir de ce cadre.
Front commun contre les Google et Cie donc, mais les éditeurs se sont aussi accordés sur la position à tenir concernant les droits d’auteurs. Dans une lettre commune, les éditeurs français affirment que "les droits électroniques sont des droits principaux au même titre que les droits de l'édition papier, dont l'exploitation revient naturellement à l'éditeur" (Le Monde). Elément clé du rapport de force mais il n'est pas sûr que les agents et les auteurs à qui cette lettre est adressée l'entendent de cette manière.
En parallèle, les éditeurs veulent défendre les libraires qui représentent encore près de la moitié des ventes de livres imprimés. Ils vont à ce titre soutenir une plate-forme commune de vente prochainement mise en ligne par les librairies (Les Echos).
Le piratage : troisième enjeu, notamment pour la bande dessinée.
La crainte que le piratage nuise au développement du marché est forte et repose sur deux risques selon Les Echos :
La crainte que le piratage nuise au développement du marché est forte et repose sur deux risques selon Les Echos :
- éducation des consommateurs. Or, « En France, le téléchargement illégal affecte déjà à grande échelle la bande dessinée », ce qui j'avoue me surprend (source non indiquée).
- Site de téléchargement hors territoire français. « A partir du moment où des fichiers vont circuler, le risque de voir un site hébergé hors de l'Hexagone mettre à disposition des copies illégales ne peut être écarté.»
Un moment de détente récupéré sur le blog La vache qui lit
Il me semble qu'une manière d'éviter que des habitudes de téléchargement "pirate" soit prises serait de proposer rapidement des catalogues numériques étoffés et diversifiés. La pauvreté de l'offre actuelle, livres et bandes dessinées, pousse le possesseur d'iPad à explorer internet à la recherche de matériel lisible.
Sans parler du prix d'achat encore élevé. A ce sujet, Hervé Langlois (directeur marketing chez Soleil Productions) déclare dans une interview sur le site Actualitté.com que "toutes les études montrent que pour le public, la dématérialisation des contenus culturels entre pour 50 % dans le prix de vente". Par voie de conséquence, "nos BD sont vendues autour de 13 € en librairie. Ensuite, il faut ajuster le prix en fonction des grilles tarifaires des opérateurs. Chez Apple par exemple, 6,50 € n'existe pas !?.... Nous avons donc choisi 6,99 €." Et il ne souhaite pas adopter une politique tarifaire plus basse car "il est important de mettre en place de sérieuses bases pour développer un modèle économique viable dans le futur. La première de ces bases est d‘affirmer haut et fort qu’une BD a une valeur, un coût et un prix."
Mouais. Je pense que la simple transposition du modèle papier au numérique est un rêve d'éditeur qui ne reflète pas la réalité du côté du lecteur. On ne consommera pas des BD numériques comme on achète aujourd'hui des BD papier. Je suis donc assez d'accord avec Florence Legrand (Les numériques) lorsqu'elle écrit que "plus qu'un objet, le livre électronique est à considérer comme un service". De part son support unique et modulable (qualité du papier, forme et taille de l'objet, ...) le livre bénéficie d'un statut différent que les CD ou les DVD pour lesquels la numérisation n'enlève que le "superflus" (les bonus, ...). Mais, à mon sens, il est des livres (petits polars, ...) et des BD (manga, aventurettes récréatives, ...) qui ne justifient pas un achat systématique. Dans cette logique, l'accession temporaire à une oeuvre (location de BD sur IZNEO par exemple) me paraît être une solution très adaptée au numérique.
La location pourrait être associée à une option d'achat (de la version numérique ou de l'objet papier). Une manière de monétiser les lectures d'albums pratiquées depuis des générations à la FNAC. D'ailleurs, c'est visiblement ce qu'explore Le Stylo Bulle Editions. Sur COD9X, l'éditeur demande directement, et avec tact, son opinion au blogueur sur une offre commerciale : prix d’achat unique 2,99 euros remboursés si achat d’un album papier en direct sur notre site (achat de l’album à prix préférentiel). Un exemple qui illustre qu'internet change radicalement les relations entre les éditeurs et les consommateurs, et pas que pour le pire.
Sylvain
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