Olympe de Gouges

De Catel et Bocquet
One shot - Noir et blanc - 400 pages
Casterman


Décevant

Les auteurs du très bon Kiki de Montparnasse mettent à nouveau en lumière la vie d'une figure féministe. L'occasion de découvrir la libre et engagée Olympe de Gouges qui aura presque tout connu de la fin du XVIIIe siècle et de la Révolution, même la guillotine.

Visiblement très documenté, nourrit de bons dialogues et servi par le trait chaleureux de Catel, l'album propose malheureusement une lecture trop saccadée. Une bibliographie ambitieuse mais une BD juste agréable et pour tout écrire lassante. 

Sylvain

NU-MEN de Fabrice Neaud

De Fabrice Neaud
Tome 1 sur 3 prévus
Quadrants


Intelligent et ambitieux

Très dense et rythmée, cette première partie est une belle réussite, atypique par sa sophistication et l'exigence qu'elle demande aux lecteurs. Assurément segmentant.
Fabrice Néaud démontre qu'il est un auteur complet : découpage efficace et original, trait impeccable, rigueur narrative et créativité teintée d'un brin de folie. Un univers complexe prend vie au fil des pages et rappelle par instant le Vagabond des Limbes. Prometteur.

Une analyse plus complète ainsi que des liens vers des critiques très positives sont disponibles sur le blog Par la bande.


Sylvain

La vie secrète de Marine Le Pen

De Chauzy et Fourest
One shot
Grasset / Drugstore

Edifiant

Présentation de l'éditeur

Marine Le Pen, trop souvent perçue à travers l’image figée de commandeur taillée par son parti, n'aura plus aucun secret pour vous après la lecture de cette BD-enquête écrite par la journaliste Caroline Fourest (qui lui a consacré une récente biographie très complète publiée chez Grasset) et impitoyablement croquée par Jean-Christophe Chauzy.

Un album clairement engagé contre la candidate FN mais qui ne tombe pas pour autant dans la facilité. Les critiques y sont plus ironiques et comiques que caricaturales même si le trait de l'ami Chauzy fait des incursions réussies dans ce domaine.


Le livre prend pour parti de démonter la personnalité de Marine Le Pen plutôt que ses idées.  Une approche qui a fait l'objet de reproches dans certains blogs (le Comptoir de la BD par exemple) mais qui est cohérente avec le principe de biographie et qui permet surtout aux auteurs de s'appuyer sur des éléments factuels, nombreux et intéressants. Très instructif.


D'un point de vue formel, l'album manque un peu de fluidité. Images et écrit se complètent mais n'entrent pas en synergie : les textes de Stéphanie Fourest, didactiques et ornés de quelques pics, sont comme une bande son pour les dessins de Chauzy qui jouent une partition plus légère. Un tempo parfois un peu dissonant.  


Conclusion : un album solide qui réussi à parler d'un sujet pour le moins délicat mais qui ne bénéficie pas d'un abord facile. A lire pour la transparence qu'il propose sur la famille Le Pen.

3 critiques complémentaires : 

• PlaneteBD : "Ici, pourtant, le pamphlet n’est pas frontalement véhément. ... Cette habile retenue offre une crédibilité qu’un excès de caricature n’aurait sans doute pas permise."
• Envrak : "La vie secrète de Marine le Pen est un album intelligent, mesuré malgré le sujet, ne tombant jamais dans l’excès ni graphique, ni littéraire, comme peu d’albums politiques savent le faire. Peu emballant, toutefois."
• Blog BD de Manuel F. Picaud : "la qualité graphique est bien nettement supérieure aux albums de cette catégorie qui ne cessent de fleurir. Ici, il ne s’agit pas de séduire mais d’avertir. Il manque peut-être le décryptage des idées réellement véhiculées et des éléments de langage utilisés pour banaliser l’image du Front National et les inepties économiques, sociales et nationalistes de ce parti."

Sylvain

Les amis de Pancho Villa

De Léonard Chemineau et James Carlos Blake 

One Shot - Couleur - 124 pages

Rivages/Casterman/noir

Chihuahua, Mexique, 1910.  
La guerre civile offre à Rodolfo Fierro l'opportunité de faire ce à quoi il aspire : piller, rançonner, baiser et tuer sans entrave. Son cynisme sans faille et son absence de moralité lui valent rapidement une place auprès de Pancho Villa pour qui "...il faut être dur ... être prêt à tuer un mec qui ne t'a rien fait". Le rouleau compresseur de la  Révolution est en marche.


Une fresque historique centrée sur les hommes plutôt que sur l'intrigue politique dont il est difficile de suivre la trame. Mais les dessins sont superbes et la truculence des personnages suffit à remplir l'album. L'âpreté des situations et la violence de certaines scènes sont contrebalancées par un humour bien dosé et décalé. Un beau premier album dont la tonalité globale n'est pas sans rappeler Lincoln et Chiquito la muerte. 

Quelques illustrations bonus sont disponibles sur le blog de l'auteur (cf. ci-après).

Par ailleurs, il semble que l'univers du roman de James-Carlos Blake ait aussi capté l'attention d'Emir Kusturica et de Johnny Depp qui vont l'adapter au cinéma au 2012. A suivre donc.

Sylvain

BD numérique et Turbomédia

Le billet du jour du comptoir de la BD met sous les projecteurs Balak, un pionnier français de la BD numérique qui a développé une technique dénommée Turbomédia. Marvel vient de le recruter pour sa nouvelle collection numérique et Sébastien Naeco regrette que ce talent soit récupéré par un éditeur américain plutôt que français. 

Le turbomédia est, selon Phylactérium qui propose un historique sur le sujet, "un contenu hybride, faisant écho au fameux « trans-média / cross-média » du CIBDI : « Des récits-dessinés-diapo, pour web et mobiles, à mi chemin entre : BD, cartoon et diaporama »". En terme de narration, la technique semble offrir moins de possibilité que le HTML5 (cf. Never mind the bullet) mais est très adaptée à la taille des écrans de smartphone. 
Pour se rendre compte de visu, le mieux est de lire les deux tutoriels proposés par DaveDonut  (ici et là) ou de déambuler sur le blog Turbo Média : quelques découvertes bien faites dont l'orage de Monsieur To. 

Il sera intéressant de voir comment un éditeur expérimenté et visant une diffusion large comme Marvel va utiliser cette technique. Sortira-t-on du simple gimmick ou de l'effet de surprise ?

Sylvain

Les Mondes de Thorgal - Kriss de Valnor - Tome 2

De G. De Vita et Y. Sente
Deuxième partie de diptyque
Le Lombard


Conforme aux attentes donc décevant. 

La surprise et le plaisir du premier tome ne se retrouvent pas dans cette deuxième partie qui pâtit d'un scénario prisonnier des contraintes de l'exercice (contextualisation, bouclage d'une histoire déjà bien avancée, cohérence avec la série principale et fin commerciale). Le dessin est lui aussi un cran légèrement en-dessous, le découpage à géométrie variable (du gaufrier 3x3 à la pleine page) ne facilitant pas la lecture. 

Au final, un diptyque qui fait le job sans atteindre le niveau initialement espéré.

Preview numérique de l''album

Sylvain

Les derniers jours de Stefan Zweig

De Sorel et Seksik 
One shot - Couleur
Casterman

Ballotés par la seconde guerre mondiale, désemparés face aux exactions commises par les SS et écrasés par la perte de leurs proches, le couple Zweig échoue au Brésil. Lui, écrivain fameux, à court d'énergie pour entrer dans la nouvelle époque qui s'annonce. Elle, jeune femme amoureuse, pétillante et souffreteuse.


Très bel album superbement porté à l'image par Guillaume Sorel qui épure avec bonheur son trait. Le scénario et les dialogues sont d'une qualité rare en bande dessinée. Laurent Seksik signe une belle adaptation de son roman à succès*. Il aborde des sujets délicats (différence d'âge dans le couple, dépression, ...) et donne vie à ses personnages avec beaucoup de sensibilité. 
Un album qui donne envie de (re)lire les livres de l'auteur de Lettre d'une inconnue.

Lorenzo et Murielle, ce livre est pour vous ! Pas joyeux joyeux mais beau.

Sylvain


* : 100 000 exemplaires

Mort de Moebius

Jean Giraud, alias Moebius, est mort ce samedi à l'âge de 73 ans.
Quelques images en guise d'hommage pour ce grand artiste protéiforme. 
A noter et à lire la très bonne biographie de Par la bande. 

Pour finir de se convaincre de l'énorme talent et diversité graphique de Moebius, un clic sur les blogs de Mister Jacq s'impose : espace 1 et espace 2.

Sylvain

Sokal, auteur de beaux polars à plume

Benoît Sokal est une figure du neuvième art et il ne serait pas choquant de voir son nom figurer sur la liste des récipiendaires du Grands Prix d'Angoulême. Il y serait même certainement plus légitime que Jean Claude Denis. 

Depuis plus de trente années, il fait déambuler son canard d'anti-héros dans un univers anthropomorphisé qui, s'il s'adoucit et s'arrondit (comme son trait) au fil des tomes, n'en n'est pas moins noir et adulte. Un cocktail goûtu mais justement dosé qui mêle polar, parodie et social. 

Le dernier Carnado, Une bavure bien baveuse, est tout à fait réussi. Un modèle du genre doté de personnages denses, d'un scénario fluide, de dialogues bien tournés, ce qu'il faut d'humour et de coquinerie, le tout étant servi par des dessins pleins de maîtrise. Un bon moment de lecture.

Impliqué dans le jeu vidéo, Sokal a par ailleurs égrainé sa carrière de BD plus réalistes dont la dernière, Kraa (2 tomes parus sur trois prévus), est aux antipodes de sa série phare. Un seul point commun, un oiseau en est encore le personnage central. L'aigle a cependant un bec autrement plus acerré que celui du canard. Le récit se met au diapason de son principal protagoniste : dur et sauvage, tout à la fois western écolo et polar surnaturel. Très atypique. 

Les dessins comme le découpage sont superbes. Un beau moment de bande dessinée que l'auteur décrypte de manière très intéressante dans son interview disponible sur le site de Casterman. Sokal, un auteur "à suivre".

Sylvain

Preview des premières pages de Kraa ci-dessous.