25 oct. 2011

Les ignorants

Etienne Davodeau
One Shot - 250 pages - Noir et blanc
24€

Présentation de l'éditeur
Armé de son crayon et de son carnet, Etienne Davodeau, auteur de bande dessinée et ignorant en matière de vin, de vigne, de viticulture et de tout ce qui peut composer le champ lexical du vin a décidé de s'embarquer dans les vignes de son voisin et ami, Richard Leroy, un vigneron qui produit un vin "vivant", sans soufre. Et comme ce dernier n'y connaît rien en bande dessinée, les deux hommes ont échangé leurs connaissances, points de vue et savoir-faire durant un an. Le résultat ? 250 pages d'une chouette bande dessinée passionnante et profondément humaine!




Accueil unanimement positif (BDGest, ActuaBD, Croqlivre, EspritBD,...) de cette BD aussi fleuve que généreuse. 
Il est vrai que les 250 pages se lisent très facilement et que la démarche reportage sonne vrai. Mais pas toujours juste. Je suis en effet resté à l'extérieur de la vie des deux  protagonistes notamment en raison des textes que j'ai trouvé souvent trop écrits pour permettre la bascule de l'autre côté du miroir. Bloqué au stade de simple spectateur, même lors de moments censés être intenses ou de discussions apparemment endiablées, je suis passé à côté de l'émotion ressentie par d'autres lecteurs. Pour tout dire, j'avais eu le même sentiment lors de la lecture de Lulu femme nue.
Reste l'intérêt qui est manifeste mais là encore je trouve que la réflexion reste souvent à la surface des problématiques. Peut-être la volonté assumée de laisser le soin au lecteur d'associer les éléments de réflexion et, par exemple, de creuser lui-même les similitudes existantes entre ces deux activités artisanales que sont la viticulture et la BD.




Une bonne BD donc, raisonnable et très bien faite, mais pas le coup de coeur.


Sylvain

24 oct. 2011

Le Schtroumpfissime commenté par Hugues Dayez

Par Peyo
88 pages couleurs - 19,95€
Dupuis

Présentation de l'éditeur
Publié en 1965, "Le Schtroumpfissime" est le deuxième album de la série Les Schtroumpfs. Scénarisée par Yvan Delporte et mise en image par Peyo, cette aventure se présente comme une satire de la soif de pouvoir, brocardant avec le même bonheur la démagogie du candidat, la flagornerie du courtisan et la versatilité du tyran. 
De cet album devenu culte, Hugues Dayez, grand spécialiste de Peyo, nous propose une analyse originale. Commentant chaque planche, il décrypte l'intention des auteurs en s'appuyant sur les ressorts graphiques et narratifs mis en oeuvre. 


Les éditions Dupuis poursuivent la valorisation qualitative et intelligente de leur catalogue. Le schtroumpfissime est très belle réédition (grand format, beau papier issus de forêts gérées de manière durable et équitable, tout ça ...) d'une solide fable politique destinée aux enfants mais qui décrypte finement les ressors intemporels de la politique (cf. le bel article du9). Un brin anarchique et bien éloigné du catalogage récent de la société schtroumpf en régime autoritaire


Image tirée de Les Schtroumpfs sont-ils communistes ?
Dans un style limpide Hugues Dayez décrypte l'univers créatif de Peyo, ses influences, ses relations avec le scénariste Yvan Delporte et son style graphique. Un travail qui permet de souligner qu'avant d'être un businessman Peyo était un créateur émérite de bande dessinée (Johan et Pirlouit, Benoît Brisefer, ..). Enrichie de commentaires éclairants et d'anecdotes toujours à propos, ce beau livre est un cadeau idéal pour les amoureux de l'âge d'or du journal de Spirou. 
Exemple pioché pour le plaisir au sujet du langage schtroumpf créé avec Franquin : "... si je dis "J'ai attrapé un schtroumpf", ça reste obscur. Alors que si je dis "Il ne fait pas chaud ce matin, j'ai bien peur d'avoir attrapé un schtroumpf" ça devient clair. Mais il faut se méfier parce que c'est tout de même un langage dangereux. Si vous dites "Mademoiselle, vous avez une très jolie paire de schtroumpf", il n'est pas certain qu'elle comprendra que vous parlez de ses boucles d'oreilles".




Sylvain

23 oct. 2011

Spirou - 52 - La face cachée du Z

De Yoann et Velhmann
Tome 52 - Histoire complète
Dupuis


Mise sous surveillance

L'année dernière, le duo Yoann et Vehlmann avait réussi à insuffler un vent de modernité dans l'univers traditionnel de Franquin. Cette suite conserve le dynamisme, la créativité et la personnalité du tome 51 mais se positionne globalement un cran en-dessous.
Un avis partagé par Julien ("J'ai bien aimé mais pas très bien. Il y a moins d'humour. Je mettrais trois étoiles et demi. Quand Spirou se transforme, c'est très bien.") et Morgane qui apprécie particulièrement le trait de Yoann ("J'aime bien les dessins. Des fois dans d'autres Spirou et Fantasio, ils ont des têtes qui sont bêtes. Dans celui-ci les têtes sont mieux."





Ma principale réserve sur cet album est le manque de positionnement clair des auteurs envers leur lectorat. 
Couverture alternative
Franquin était un enfant dans un corps d'adulte et qui s'assumait comme tel (cf. interview présentée au CNBDI). Certainement un des secrets de la magie des albums du maître. Or, ce tome m'a paru émaillé de délires d'adultes bien trop appuyés (mariage lesbiens, un homme de main caricatural dénommé Poppy Bronco qui devient rapidement fatiguant, ...). 
Il faut cependant reconnaître que la difficulté éditoriale est évidente : comment plaire aux enfants d'hier, dont certains doivent être en retraite depuis un moment, ainsi qu'aux jeunes recrues de maternelle ? 
La solution des spin-off m'avait parue intelligente et réussie. Un point d'ailleurs abordé en détails par un passionné sur Underground Time Lab et qui mérite d'être lu.


Mise sous surveillance donc. En espérant que les auteurs ne perdront pas leur triple A l'année prochaine !

Sylvain

17 oct. 2011

Shi Xiu - Tome 1 - Face à face

De Meylaender et Wu Qing Song
Tome 1/6
Les éditions Fei

Une belle et intelligente prostituée cantonaise se fait enlever par des pirates dont elle deviendra la reine.
Agréable bande dessinée historique livrée par les éditions FEI. Le scénario est rythmé. Le dessin classique emprunte parfois au manga pour un résultat plutôt réussi. Seule l'incontournable scène d'amour sur la jonque est ratée. 
Un solide divertissement.

Sylvain

16 oct. 2011

"Atar Gull" ou le destin d'un esclave d'exception

De Nury et Bruno
One Shot - Couleur - 86 pages
Dargaud

Fils d'un roi africain, Atar Gull est livré par une tribu ennemi à des trafiquants d'esclaves qui l'emmènent aux Antilles pour être vendu à un planteur de canne à sucre. Un périple rempli de vengeance qui l'amènera de l'Afrique noire à Nantes. 

Oeuvre forte et passionnante, Atar Gull est un excellent album qui, de plus, ne laisse pas indifférent. 

Le duo de choc formé par ces deux auteurs en pleine ascension fonctionne à plein régime. Un point d'ailleurs analysé par Fabien Nury dans sa récente interview dans DBD"Pourquoi vous êtes-vous associé à Brüno sur ce projet ? D'abord, parce qu'il dessinait super bien les Blacks dans Inner City Blues. Et puis je ne voulais pas d'un dessin réaliste qui risquait d'être redondant avec l'horreur de l'esclavage... Grâce à son dessin synthétique, je savais que l'on pouvait s'offrir une véritable liberté de ton."

Et effectivement, l'adéquation entre le scénario impactant et le trait caractéristique produit un récit historique d'une grande intensité, hors des sentiers battus. 



Le blog de Bruno offre une vue comme toujours intéressante du travail graphique effectué sur ce projet. Son dessin gagne en intensité et en émotion au fil des albums.



Reste le cas de l'adaptation. 
Une lecture accélérée du roman original disponible gratuitement en ligne permet de mesurer le gros travail de modernisation et d'épure effectué par Nury, les dialogues n'étant que la partie la plus visible. 
Le site Eugène Sue, L'oublié offre la possibilité de mettre en perspective ce roman populaire explosif : "Lors de sa parution en 1831, ce troisième roman d'Eugène Sue fit scandale, comme le rapporte Ernest Legouvé : " L'effet fut immense. Ce mélange d'audace dramatique et de sarcasme; ces scènes pathétiques ou gracieuses, terminées par le plus insolent des dénouements, ce prix de vertu donné par l'Académie à ce nègre meurtrier et empoisonneur, tout cela scandalisa, exaspéra, enthousiasma..." Atar-Gull contredit et parodie le mythe du bon sauvage pour dévoiler celui du barbare anthopophage. Du suicide au meurtre, il commet tout ses crimes avec un raffinement qui fait frémir. Le lecteur est effrayé de voir ce génie du mal agir en toute impunité; mais il hésite parfois à condamner cet esclave arraché à sa terre, par le bon vouloir de l'homme blanc qui a besoin de main d'oeuvre pour faire cultiver son exploitation. Que penser de l'attitude bonhomme de M. Benoît, honnête commerçant, qui compte parmi sa marchandise de la chair humaine ? Que dire aussi du personnage de Brulard, ancien gentilhomme trompé, trahi qui a survécu à son suicide et qui choisit la piraterie après avoir connu le luxe des salons parisiens." 

Des questions toujours valables 180 ans plus tard et c'est ce qui décuple l'intérêt de cette BD : secouer le politiquement correct contemporain.


A noter qu'une version noir et blanc de l'album sera prochainement disponible en édition limitée.


Ajout du 03/12/2011 : lien vers des planches commentées par Nury sur Figaro.fr.

Sylvain

Critiques Bédérama des autres oeuvres de Fabien Nury (vue d'ensemble) et de Bruno (Commando Colonial et Junk).

15 oct. 2011

BD numériques gratuites à lire sur iPad, hadopi compliant

Réactualisation du billet du 24 décembre 2010
Nulle recommandation de dropbox ni même de liens mégaupload, que de l'officiel et du légal.

Les sites proposant des previews d'albums font florès : Delcourt, GénérationBDDigibidi, .... Cependant, n'avoir accès qu'aux cinq premières pages d'une oeuvre est plus frustrant que réellement informatif. BDGest et Avant-première sont donc conseillés car ils proposent jusqu'à 10 pages de preview. A noter que pour certains de ces sites, il est demandé de se créer un identifiant (gratuit). 


La plateforme commerciale IZNEO propose des previews pour ses 2500 titres ainsi que chaque semaine un album en accès gratuit. Souvent le premier tome d'une série sachant que les magazines Zoo et Avant-première sont aussi en libre accès. Une démarche commerciale sympa qui demande la création d'un compte. Pour celles et ceux qui apprécieraient la lecture BD sur tablette, des sélections d'albums à louer pour 1,99 euros sur IZNEO sont disponibles sur notre site catégorie BD numérique.  



Le concept initial de Manolosanctis a quelque peu évolué au fil des mois : les BD ne sont plus intégralement disponibles en ligne mais la qualité générale est en nette progression. 
Encore mieux en terme de qualité, Delitoon recommandé par Jean Seb. De bonnes histoires à lire en scrolling, notamment ça ne coûte rien (image ci-contre) qui retranscrit très bien l'ambiance de l'expatriation d'un jeune français à Shanghai. Chaudement recommandé.



Preview de l'envoutant Celle qui réchauffe l'hiver, l'agréable L'île aux 100 000 morts et l'excellent Le fond des choses, 8 comix est une expérience réussie d'auteurs confirmés.
Autre auteur confirmé à proposer une BD en ligne, Bruno et sa curieuse mini-série Lorna.


La BD concept très réussie de Marc Antoine Matthieu 3 secondes est disponible sur internet en version numérique animée. Moyennant un code d'accès, notamment proposé au début de la version papier. Vidéo ci-dessous pour vous donner envie.



Les Humanoïdes Associés proposent tous les mois deux BD lisibles gratuitement en version numérique. Souvent intéressant.
Dans une veine plus comics l'éditeur Zampano propose 6 BD de qualité professionnelle en libre accès. Le comics suisse Tell est une curiosité à découvrir.


Ego comme X est un éditeur indépendant qui n'a pas les deux pieds dans le même sabot. Ses BD épuisées sont en libre accès numérique et imprimables à la demande. Encore une fois, une approche très moderne et pro-active de l'édition en ce début du XXIème siècle.


Par ailleurs, You Tube accueille quelques BD animées / motion comics. Watchmen ou Les tuniques bleues par exemple. Une expérience de lecture à part entière.




Pour rester dans le monde du western, La BD True Gritsortie en même temps que le film des frère Cohen, est disponible en ligne. Une opération commerciale au long court semble-t-il.


Selon les dernières informations, la FNAC proposerait 80 000 ouvrages numériques contre 900 000 disponibles en anglais sur amazon. Des différences de taille  de catalogue qui peuvent expliquer le plus grand succès des ebooks aux USA qu'en France. Néanmoins la FNAC propose un nombre important de classiques téléchargeables gratuitement dont une bible dessinée.


La BD éducative n'est pas en reste avec Scott Mc Cloud qui explique Google Chrome et l'association Savoir sans frontière qui propose de télécharger les aventures pédagogiques d'Anselme Lanturlu.


Bonne lecture.

10 oct. 2011

Interview de Fabien Nury dans DBD

Fabien Nury, raconteur d'Histoire en progression stratosphérique, se prête à une interview bien menée dans DBD (disponible en ligne). Un intéressant passage en revue des 7 albums publiés sur 2011 dont il a écrit le scénario. 


Quatre sont 4 à venir rien que sur octobre-novembre :
   - Il était un fois en France (tome 5), 
   - Atar Gull avec Brüno (one shot)
   - Les chroniques de Légion (tome 2)
   - Benson Gate (tome 4). 


Prometteur.




Sylvain

9 oct. 2011

Polars dessinés de bonne tenue chez Delcourt

Hormis quelques rares séries au long court (De cape et de crocs dont le dixième et dernier tome semble programmé pour novembre 2011, ...),  je ne suis plus que de loin la production des éditions Delcourt. Seuls des récits de guerre m'ont récemment très agréablement surpris : AdamsonLe temps du rêve et Le coeur des batailles. 
A contrario du catalogue mainstream qui a fait le succès du deuxième groupe français de BD, nombreuses sont les publications de la collection Contrebande (comics) qui trouvent grâce à mes yeux : le copieux From hell, la très noires série  Criminals, le crépusculaire Les sentiers de la perdition, inconditionnellement les albums de Will Eisner, les opportunes rééditions de Sam et Twitch, les plus super-héroïques Incognito et Haunt ainsi que deux polars tout à fait agréables, Tue-moi à en crever et Sale fric.
Tout en étant classiques et restant à distance des sommets du genre (cf. sélection Bédérama comics et top 8), ces deux romans dessinés permettent de passer de très bons moments.

Sale Fric
De Santos et Azzarello

De sa carrière d'ex-vedette du football américain Rich a gardé un genou en carafe et un caractère aussi emporté que suffisant. Des handicaps sérieux pour réussir sa reconversion en vendeur de voiture mais pas pour servir d'ange gardien à la trop délurée fille du patron.

Azzarello signe un scénario beaucoup plus conventionnel que pour 100 bullets mais toujours très efficace et réussi. Le personnage central est l'anti-thèse de Myron Bolitar (Harlan Corben) : déplaisant, frustré et violent. Bref réjouissant et pas sans intérêt.
Seul bémol de ce one-shot, le graphisme parfois un peu brouillon et approximatif qui vient compliquer la lecture. 





Tue-moi à en crever
De David Lapham


Un pianiste de jazz retrouve sa femme pendue. Meurtre ou suicide ? Vaille que vaille sa vie se traîne jusqu'à ce qu'il retrouve un amour d'enfance. Les vrais ennuis commencent.


Chaudement recommandé au moment de sa sortie par DBD, ce polar est un véritable roman noir. Graphisme et découpages impeccables servent un scénario au cordeau. L'ambiance est lourde et le contenu de ces 235 pages secoue pas mal. A déconseiller aux âmes sensibles. 
Un beau pavé réalisé par l'auteur du non moins réussi Stray Bullet.



Sylvain

5 oct. 2011

Scott McCloud explique Google Chrome

Les impénétrables routes du web m'ont menées sur le beau site de Scott McCloud et par ricochet sur son travail de commande pour GoogleRéalisée en 2008 à partir d'interviews de développeurs, cette BD décrit la gestation et les fonctionnalités du "nouveau" navigateur Google Chrome. Magie du neuvième art et reflet du talent incomparable de l'auteur de l'Art invisible, il m'a semblé comprendre la majeure partie des innovations de ce logiciel open source. Et je vais probablement le télécharger. 
La BD a réussi là où des liens systématiques ont échoué. Si l'image ci-dessous vous attire, vous pouvez lire le comics book en ligne et en intégralité ici.


Relire du Scott McClouc m'a rappelé le choc qu'a été pour moi la lecture de son Art Invisible d'ailleurs repris depuis par les éditions Delcourt (premier éditeur Vertige Graphic). Une réflexion extraordinairement riche et claire sur le média et la communication en général. "En posant la simple question : "Comment percevons-nous le monde ?", McCloud s’offre ainsi un cadre de référence libérée des carcans traditionnels inhérents à la critique générique. Et ce qui pourrait être un fastidieux petit Platon ou Mc Luhan illustré devient une plongée saisissante et lumineuse dans le fonctionnement de la bande dessinée" (Chronicart).  


Si vous ne l'avez pas encore, achetez ce livre de référence et régalez-vous !

Sylvain

 

3 oct. 2011

La Commedia Des Ratés (2/2) ... une réussite.

De Berlion et Benacquista
Histoire complète en 2 tomes
Dargaud


Antoni hérite de l'arnaque montée par feu son ami Dario, abattu dans de mystérieuses circonstances. Après un court moment d'euphorie, l'ampleur de l'escroquerie le dépasse très vite. 

Ce deuxième tome tient toutes ses promesses : en plus d'être publié très rapidement apès le premier,    le scénario est aux petits oignons, tout comme sa réalisation graphique.

La commedia des ratés forme donc un diptyque à découvrir pour le plaisir de (re)lire un vrai polar : intrigue riche particulièrement bien conduite dont chaque élément trouve sa place et personnages complexes renvoyant à des signifiants sociétaux forts. 

A l'unisson des EchosBD, saluons le travail d'adaptation de Berlion : "Relire un polar a souvent peu de charme. Mais ceux qui ont lu "La commedia des ratés" à sa sortie en 1991 ne se souviennent sans doute plus que deux choses : ils l’ont lu et c’était bien. Plutôt que de retrouver un livre perdu dans une bibliothèque ils peuvent revivre le plaisir de cette lecture en version BD. Autant ne pas se priver." Et dans la foulée, doubler le plaisir en relisant Histoire d'en ville, polar majeur écrit et dessiné par le même Berlion en solo.


Critique à la marge : les couvertures sont ... plutôt moches, non ?

Sylvain

2 oct. 2011

Les librairies et le numérique : intégration ou désintégration ?



Au commencement, il y eu le web. 

Souvenez vous, en 2000 Amazon débarquait en France. Dix ans plus tard, la plateforme est passée du statut de premier libraire virtuel à celui de premier libraire tout court alors même qu'elle n'a pas encore commercialisée dans l'hexagone sa liseuse électronique vedette Kindle (article le plus vendu aux USA, pays dans lequel le pureplayer vendre plus de livres numériques que de livres imprimés) ni sa tablette couleur 60% moins chère que l'iPad.


10 ans, c'est aussi le temps qu'il aura fallu à l'interprofession française pour accoucher de 1001libraires.com, un site de vente en ligne et de téléchargement. Sera-t-il rentable un jour, dans l'ombre d'Amazon, Google et Apple ? S'il est encore un peu tôt pour en juger, on peut toujours aller voir les commentaires laissés par les premiers clients : des plantages et puis le silence, celui de l'indifférence ?
De l'expérience américaine on peut aussi observer l'exemple de Barnes & Nobles. Dans la tourmente depuis plusieurs semestre, la première chaîne de librairies américaine vient de parvenir à enrayer la chute de son chiffre d'affaire en boostant les ventes de sa liseuse, le Nook, et des livres numériques (Le nook sauveur de Barnes & NoblesAldus ). Un redressement spectaculaire que n'a pas réussi  Borders, n°2 aux USA, aujourd'hui en dépôt de bilan. (Bye bye Borders – La république des livres).


Signe ultime des temps difficiles à venir pour le livre papier, IKEA vient d'annoncer la commercialisation prochaine d'une variante de ses étagères Billy. Plus profonde cette dernière est conçue pour accueillir les bibelots plutôt que les livres (source The Economist).
Dans ce contexte, comment réagissent les libraires traditionnels ? Comment s'approprient-ils le numérique ?


En France quelques librairies (23 selon le référencement d'Aldus) font preuve d'anticipation et d'esprit d'expérimentation comme au Divan à Paris (cf. vidéo ci-après).  Malheureusement ils restent des exceptions dans le paysage. Peu de libraires mettent en avant leur site internet et proposent du livre numérique (aucune en BD à notre connaissance). Peut-être attendent-ils des éditeurs une offre digne de ce nom pour sauter le pas ? Il est vrai que ces derniers traînent à proposer leurs catalogues en version numérique. Même IZNEO, qui regroupe pourtant la grande majorité des éditeurs franco-belges de BD, continue de développer son offre à un rythme de sénateur (seulement 100 nouveaux titres par mois). Pendant ce temps, les lecteurs comblent le vide : ils numérisent les livres et les partagent sur des dropbox.


Fort de ses constatations, nous nous sommes pris au jeu de refaire le monde autour d'un verre (plusieurs fois vidé) et d'imaginer ce que nous ferions à la place d'un libraire. Exercice purement intellectuel et facile, car théorique et déconnecté des contingences matérielles, mais intéressant car il nous a permis de réfléchir à l'évolution des pratiques commerciales dans un monde modifié en profondeur par internet.  Des réflexions empreintes du passionnant Méthode Google : que ferait Google à votre place ? (merci Ludo !) et plus ou moins bien retranscrites ci-après (le Pic Saint-Loup, bon pour l'émulation moins pour la mémoire) :
  • Vers un marché du beau livre papier ? Nous nous habituons de plus en plus à lire sur l’iPad et notre attachement au livre papier commun (poches, BD classiques, …) se réduit. Cela prend de la place et c’est plutôt moche. Donc y avoir accès par le numérique est une bonne solution. Suivant cette logique, l’acte d’achat en librairie se focaliserait vers le festif (achat de beaux livres, cadeaux, …). On se spécialise dans les beaux livres donc.
  • Après le prix unique, le lieu unique ? Le patron des éditions Stock a pris position pour que les ventes de livres soient limitée à "un lieu singulier/unique". Une proposition à contre-courant qui a suscitée de nombreuses réactions négatives sur le net ("dans la famille blaireau nous avons le père", "attitude rétrograde à condamner", ...). Une option qui va en effet à l'encontre de la libre circulation des biens culturels. Presque dangereux, donc solution écartée.
  • La diversification, la solution des libraires ? Pour Fabrice Piault, "les librairies doivent se réinventer en profondeur. Une solution : rendre les librairies encore plus conviviales, quitte à les coupler à une cave à vin, à une agence de voyages, ou à y donner des cours de cuisine". Et pourquoi pas Libr'Hair, une librairie salon de coiffure ? (Coupe Nothomb à 30 euros, ...) La diversification de l'activité nous paraît délicate et source d'égarement pour le libraire ainsi que pour ses clients. De plus, le concept a été nous semble-t-il déjà testé avec un succès très relatif des librairies salon de thé(exception faite des activités proches : papeterie, musique, ...). Mais un libraire pourrait effectivement s'associer avec un spécialiste de la restauration (type Starbuck)   et créer un espace commun, non ?  
  • Le conseil, l'apanage des libraires ? La valeur ajoutée du libraire réside indubitablement dans sa capacité de conseil. Une spécificité aujourd’hui challengée par les blogs et critiques accessibles en ligne qui tient encore bon car le libraire a un avantage supplémentaire, celui d'être inséré dans un réseau local. Atout qui n'est pas encore renforcé par le web bien que de plus en plus de librairies animent une communauté à l'aide de Facebook (Bédérama à Reims par exemple). Mais une dynamique supplémentaire serait d'accueillir des critiques de lecteurs. Un chemin que la FNAC a franchi à moitié : les communautés accessibles sur le site sont animées par les vendeurs, les lecteurs ayant seulement le droit de donner une note ou un commentaire. Autre approche proposée par Le comptoir de la BD, envisager une prime au conseil. Intéressant.




Mais les éditeurs restent les premiers maillons de la chaîne et c'est à eux de mettre en œuvre tous les moyens pour développer au plus vite l'offre numérique. C'est aussi à eux de trancher et d'abandonner ces DRM qui enquiquinent tout le monde sauf les pirates. 
C'est à eux de remettre à plat l'économie du produit qu'ils produisent. Légitimement les acheteurs ont le sentiment de se faire avoir quand on leur propose des fichiers epub 20 % moins cher qu'en version imprimé. Comment est-ce possible alors qu'il n'y a plus le papier, l'impression, le transport, le stockage et la distribution ? 
A quand un prix à la fois unique pour tout le monde (ça c'est fait depuis le printemps) et pour tous les livres ? Allez, deux gammes de prix tiens : pour la littérature une indexation sur le nombre de caractères et pour les albums, un prix fixé d'après le nombre d'illustrations !  


Le risque de ne pas bouger rapidement est de laisser le champ libre aux distributeurs américains qui, comme Apple l'a fait avec la musique, finiront par imposer leurs règles. En défendant le marché du livre papier et en affichant un soutien sans faille aux libraires, les éditeurs français rendent-ils vraiment service à ces derniers ?


François et Sylvain

1 oct. 2011

Scalped - 4 - La rage aux tripes


Changement d'angle de vue pour cet album divisé en deux parties. Dashiel Bad Horse ne mène plus l'action, le temps d'une danse. 

La première histoire entre dans l'intimité aussi passionnée que désespérée de Carol. Un passage qui pose  les personnages et permet de découvrir quelques secrets de famille. Toujours bien fait et efficace mais je n'ai pas accroché au traits anguleux de Davide Furno (dessinateur de cette partie). Inférieur, me semble-t-il, au reste de la série.

Par contre, la deuxième moitié de l'album renoue totalement avec la force torturée de l'histoire. Consacré à Red Crow ce deuxième arc narratif baigne dans la noirceur et la violence. L'ambiguïté des personnages y est parfaitement mise en scène et la machine à broyer qu'est la réserve indienne tourne à plein régime. Combien de protagonistes arriveront au bout de la série sachant qu'il reste encore quatre tomes à tenir ? Peu, si l'on considère les chemins abrupts par lesquels les auteurs les font passer.


A l'instar de certaines parties de Fables ou de 100 bullets, ce quatrième opus illustre ce qui est à mon sens une des spécificités des comics : avoir le luxe de s'écarter de la trame principale pour développer l'univers de la série. Dans l'ensemble, ces digressions de quelques pages sont rarement au niveau de l'histoire principale. Correspondent-elles à une volonté des auteurs qui profitent de l'espace qui leur est confié pour se faire plaisir ou existent-elles dans le seul but de rallonger la sauce ? Un point qui sera tranché à la parution des derniers tomes.


Quoi qu'il en soit, Scalped est l'une des meilleures série actuelle (l'une de mes préférées du moins). A déconseiller toutefois si vous aspirez à un moment de détente léger et primesautier. 
Pour plus d'informations, n'hésitez pas à consulter Bodoï qui propose un bon article de synthèse sur les quatre premiers tomes. Le site spécialisé Oniric Comics met aussi en avant cette série à part et s'avère très rassurant sur les tomes à venir (déjà publiés aux US).


Sylvain